J’ai créé Le bocal pour me garder occupée.
Et depuis le lancement de toute la patente le 15 octobre dernier, je n’ai pas eu une minute à y accorder.
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Je dois vous admettre quelque chose.
Avec l’arrivée de l’été et puis le si bel automne qu’on a eu ici en Alberta (c’est rare qu’on a un « vrai automne », i.e. c’est rare que l’hiver ne nous tombe pas dessus comme une brique de slush et qu’en une nuit toutes les feuilles des arbres soient arrachées par des bourrasques monstres), j’ai presque oublié qu’on vivait une pandémie mondiale.
Après les premiers mois de confinement, puis la relance des activités qui a permis le retour d’un mode de vie plus ou moins normal (porter un masque et rester à deux mètres de distance des gens que je vois, personnellement, ça ne brime pas ma liberté plus qu’il faut), mon moral était au beau fixe, ma motivation dans le plafond, ma créativité échevelée. Dans la francophonie, on a eu une série d’assemblées générales d’organismes sur Zoom, plus de gens que d’habitude y ont participé et tout le monde semblait avoir l’avenir de notre communauté plus à cœur que jamais. J’étais gonflée d’espoir, pleine de bonnes vibrations. Les projets qui étaient planifiés depuis longtemps avaient été adaptés aux circonstances et suivaient leur cours, de nouveaux projets nous étaient proposés pour parer à la grève du présentiel que nous vivions (on parle de projets numériques, vous l’aurez bien compris), et j’ai dit oui à tout, évidemment, du travail, des créations, amenez-en !
Dans les dernières semaines, alors que je fignolais des textes pour un spectacle humoristique de fin d’année, que je rédigeais d’autres textes pour une série télé, et encore d’autres pour un autre podcast que Le bocal, un peu partout dans le monde des gouvernements imposaient de nouveaux lockdowns. Sur mon fil Instagram, je voyais mes ami.es à Montréal ou à Paris reprendre, avec regret et résilience, leurs habitudes de confiné.es. Moi, pendant ce temps-là, j’avais encore des meetings d’équipe en personnes et je m’offrais le luxe d’aller écrire dans mes cafés préférés.
La vie était… presque normale, quoi.
Mais, comme tout le monde, je regardais les chiffres monter à chaque jour. Ces fameux chiffres. Le nombre de nouveaux cas recensés quotidiennement. 700, 800… On disait que si les chiffres montaient au-dessus de la barre des 1000 cas par jour, il faudrait… faire quelque chose.
Et toujours, en Alberta, on n’annonçait rien de nouveau en matière de mesures sanitaires. Puis, jeudi dernier, c’est notre premier ministre lui-même qui s’est adressé à la nation albertaine pour dévoiler quelques nouvelles restrictions : fermeture des gyms, interdiction de tenir des rencontres de plusieurs personnes pour la pratique du sport, du chant, de la danse ou du théâtre (sauf dans un contexte professionnel), diminution des heures de services pour les établissements servant de l’alcool, mais sinon, tiguidou laïe laïe, la vie continue, les écoles restent ouvertes, les Costco aussi, lavez-vous les mains, portez vos masques, l’économie roule, Noël s’en vient, we’re in this together, ça va bien aller !
Samedi, plus de 1000 nouveaux cas de Covid-19 ont été recensés dans notre province.
Et là, autant j’avais presque oublié qu’on vivait une pandémie mondiale, autant la perspective de l’hiver confiné qui s’annonce m’est tombée dessus comme une tonne de briques de slush croutées de glace.
Ayoye.
Et comme effet collatéral de cette commotion personnelle, la même chose qu’au mois de mars dernier : la paralysie. La paralysie créative. La paralysie scripturale, surtout.
Je suis supposée vous raconter quoi, moi, dans Le bocal, maintenant?
J’en perds mes mots.
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Pourtant, on le savait qu’il y aurait une deuxième vague. Et même une troisième.
On le sait depuis le début qu’on va devoir vivre avec ce virus pendant les deux ou trois prochaines années.
On le sait, mais puisqu’il faut que la vie continue, pour dormir la nuit, pour ne pas trop angoisser quant à l’avenir, on se terre un peu dans le déni. On oublie. Momentanément.
(Parce que du travail, il y en a là, là, alors que tout le monde se garoche sur le numérique… mais, vous sentez pas déjà la fatigue de l’écran vous envahir, vous? Vous sentez pas que la surabondance de l’offre numérique commence à donner des mots d’estomac?)
J’ai mal au ventre.
Et je me sens disparaître.
Diluée et engloutie dans toute cette cacophonie de sons, ce vomi d’images, cette logorrhée de mots dits, écrits, chantés, actés, turlutés.
J’aurais presque envie d’aller m’enfermer dans un chalet en campagne, sans connexion Internet. Apporter une dizaines de livres et deux ou trois carnets, ma plume Lamy et des flacons d’encre couleur graphite. Apprendre à tricoter. Me balancer dans une chaise berçante. Me prendre pour Maria Chapdelaine.
Mais je ne le ferai pas.
Premièrement, parce que j’ai pas de chalet en campagne ni les moyens de m’en louer un (j’ai même pas de voiture pour sortir de la ville, facque…).
Deuxièmement, parce que j’ai bien trop besoin de connexion humaine, même si c’est par le biais du numérique.
Troisièmement, parce que j’ai encore des contrats à remplir, des textes à écrire, des des blagues à tester, du bacon à faire rentrer.
Quatrièmement, parce que les petits moments de paralysie, en tant qu’artiste, j’en ai connu avant. C’est pas nouveau. (« C’est pas mon premier barbecue », comme dirait mon amie Cathia). Faut garder espoir que ça va finir par se décoincer à un moment donné.
Mais en attendant que ça débloque, oui, parfois ça fait du bien de déconnecter du numérique un peu. Ça fait du bien de s’éloigner des écrans. Pour appeler un.e ami.e. Sortir prendre une marche. Se mettre le nez dans le poitrail poilu de son chat pendant dix minutes. Prendre un bain (sans écouter de podcast, juste le murmure des tuyaux quand on se met les oreilles sous l’eau).
Je vous le dis, j’ai (quasiment) envie d’apprendre à tricoter.
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Et je lis (ou relis) des livres sur la créativité et l’écriture.
Connaissez-vous Julia Cameron, l’autrice du célèbre livre sur la créativité, The Artist Way? Celle qui a popularisé la pratique des Morning Pages ? Je lis présentement le dernier tome de sa trilogie, Finding Water. C’est sûrement mon préféré des trois. Elle y parle de la persévérance et de la foi dont on a besoin quand on est artiste. La foi en son propre travail. Pour elle, le plus important, c’est « to show up ». Montre-toi la face (genre, sors de ton lit), installe-toi et crée (écris, peins, danse, gratte ta guitare). Le reste va suivre. Elle lance même à l’Univers : « je m’occupe de la quantité. Toi, occupe-toi de la qualité. »
Et chaque jour, elle écrit.
Je m’efforce de suivre ses conseils.
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Et puis, pour vous inspirer aussi, si vous ne l’avez pas encore regardé, je vous suggère le live sur Instagram que j’ai fait avec mon amie et autrice Cathia Riopel. Par un beau samedi matin d’automne (la dernière journée assez douce pour rester dans Le bocal sans se geler les miches), on a jasé d’écriture, de maitrise en littérature, de quarantaine (pas celle qu’on subit quand on est malade; celle qu’on subit quand on a quarante ans…), de symptômes de la périménopause et, bien sûr, de direction artistique de nos garde-robes. En tous cas, on n’a pas manqué de sujets de conversation.
Comme on dit, « c’était pas notre premier barbecue ».
Si ça vous parle, c’est par ici.
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Si vous n’avez pas encore eu le temps de regarder le court-métrage qu’on a créé pour le lancement du Bocal dans le cadre de la série Visit’Arts du RAFA, lâchez-vous lousses. Il est toujours en ligne ici.
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Si vous êtes curieux.ses d’en savoir plus à propos de tous ces textes dont je fais mention plus haut, voici quelques informations au sujet des projets auxquels ils sont reliés :
Le RiRe – ça aussi, c’est contagieux
Une revue humoristique de l’année 2020, spécial covidien.
Une production de l’UniThéâtre, diffusée sur L’Atelier culturel de Radio-Canada.
La captation audio et visuelle du spectacle aura lieu le samedi 5 décembre à 19h30 au Théâtre Varscona à Edmonton. Pour le moment, nous ne pensons pas pouvoir ouvrir la performance au public, mais surveillez les annonces de l’UniThéâtre pour les détails. Et je vous tiendrai au courant de la mise en ligne du spectacle sur L’Atelier culturel dès que c’est disponible.
Cow-boy urbain 2, sur Unis.tv
J’y travaille en tant que scénariste. La saison 2 sera disponible au printemps ! Pour voir la saison 1, c’est par ici.
La place podcast, saison 3.
Les épisodes de la saison 3, dédiés aux villes et villages dans la périphérie d’Edmonton, sont mis en ligne tous les 1ers et 15 du mois. Déjà disponible, la partie 1 des épisodes sur la ville de St-Albert ici !